Rentrée judiciaire - Défis actuels et à venir pour le Barreau de Bruxelles et pour la profession en général
Entretien avec Marie Dupont et Marc Dal
Marie Dupont est la première femme élue bâtonnière de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles. Marc Dal sera son vice-bâtonnier. Ils prendront leurs fonctions le 2 septembre 2024. Ils répondent à nos questions.
Si vous deviez épingler un défi auquel la profession d’avocat est confrontée, quel est-il ?
Les avocats font actuellement face à de très nombreux défis mais s’il fallait en épingler un qui concerne l’ensemble de la profession, c’est l’intelligence artificielle. Son émergence et son développement inquiètent certains tandis que d’autres, principalement les cabinets d’affaires internationaux, y ont déjà beaucoup investi et en font un outil de promotion. De plus en plus d’organisations ordinales s’emparent du sujet et l’American Bar Association vient de publier des recommandations en la matière.
L’Ordre doit veiller à ce que l’ensemble des avocats saisissent les opportunités créées par l’IA afin de garantir un accès à la justice et au droit pour tous, pas uniquement pour celles et ceux qui pourront s’offrir les services d’un cabinet ultra-connecté. Ces initiatives consistent notamment à informer les avocates et les avocats qui en ont besoin en leur indiquant quels sont les outils d’intelligence artificielle qui leur permettront de travailler de manière rapide et efficace. Il faut dissiper les craintes et aider nos consœurs et confrères à faire évoluer leurs habitudes de travail, ceci dans l’intérêt de leurs clients. L’Ordre doit aussi informer ses membres à propos des risques liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle, principalement en termes de respect du secret professionnel. Seuls des logiciels garantissant ce secret doivent être utilisés.
L’arriéré judiciaire bruxellois est dénoncé depuis de nombreuses années. Votre Ordre peut-il faire évoluer les choses ?
La situation bruxelloise est désastreuse depuis bien longtemps. Les décisions de justice européennes et belges condamnant l’Etat au motif qu’il est responsable de cette situation sont bien connues. Le mémorandum commun de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat publié en juillet dernier a encore rappelé les manquements de l’Etat en la matière.
Au même titre que les magistrats, nous avocats sommes des acteurs de justice. Par contre, à la différence des magistrats, nous sommes indépendants de tous les pouvoirs. A ce titre, nous pouvons nous indigner avec plus de force encore face à l’arriéré judicaire, d’autant que nous devons expliquer cet inexcusable arriéré à nos clients qui sont les premiers à en subir les conséquences.
Nous ne pouvons nous résigner. La solution est évidemment politique. Elle nécessite d’importants moyens humains et financiers. L’Ordre continuera non seulement à dénoncer l’arriéré judiciaire bruxellois auprès du public et du monde politique mais également à travailler en bonne intelligence avec les magistrats, afin d’assurer que les procédures soient menées le plus efficacement possible. Même si cela ne suffira pas à régler le problème, nous encouragerons le recours à certaines techniques procédurales qui permettront de rencontrer ce souci d’efficacité.
Et le secret professionnel ?
On constate une méfiance de plus en plus importante à l’égard du secret professionnel de l’avocat qui est parfois mal compris. Le secret professionnel ne protège pas l’avocat qui aurait commis un acte illicite. Il faut le rappeler sans relâche…
Tout justiciable quel qu’il soit doit pouvoir se confier à l’avocat de son choix en étant sûr que les confidences qu’il a échangées avec cet avocat ne pourront en aucun cas être divulguées. Sans cette protection, l’avocat ne pourrait pas remplir sa mission de conseil et de défense. Sans cette protection, il n’y a tout simplement pas d’Etat de droit.
Nous défendrons inlassablement ce secret qui constitue, au même titre que l’indépendance, un des deux piliers de notre profession et qui la distingue d’autres professionnels du droit. Pour que cette défense soit efficace, les avocats et avocats doivent être irréprochables. Nous y veillerons.
Quel est le rôle de la bâtonnière ? Et celui du vice-bâtonnier ?
La loi qualifie la bâtonnière de « chef de l’Ordre ». Elle le dirige en veillant à ce qu’il fonctionne bien. La bâtonnière est également la gardienne du respect de nos règles professionnelles dont il faut rappeler qu’elles existent dans l’intérêt du client et d’une bonne administration de la justice. Au même titre que tous les représentants de l’Ordre, elle doit faire en sorte que les 5.000 avocates et avocats francophones de Bruxelles, qui ont des profils et des pratiques très différents, se retrouvent dans cette institution.
Quant au vice-bâtonnier, il assiste la bâtonnière dans l’exercice de ces missions avant de lui succéder deux ans plus tard. A Bruxelles, il est plus particulièrement en charge des questions liées au stage d’autant que près de 1.000 avocates et avocats de notre Ordre sont inscrits à la liste des stagiaires et exercent leurs activités sous la supervision de leur maître de stage.