Traité des contrats spéciaux
Entretien avec Erik Van den Haute
Erik Van den Haute est professeur à l’Université libre de Bruxelles, mais aussi directeur du Centre de droit privé de la Faculté de droit et de criminologie. Il a répondu pour Larcier-Intersentia à quelques questions sur son dernier ouvrage "Traité des contrats spéciaux". En deux volumes, cet ouvrage répond aux questions des praticiens, des chercheurs et des étudiants sur la matière.
Qu’est-ce qui vous a décidé à rédiger un traité complet des contrats spéciaux ?
L’idée est venue en rédigeant mes supports de cours. Je me rendais compte qu’une des difficultés majeures de la matière des contrats spéciaux, réside dans le fait qu’elle est parsemée dans de très nombreuses publications. Cela rend la tâche du praticien et du chercheur particulièrement ardue. Il me paraissait ainsi nécessaire de regrouper la matière dans un seul ouvrage, qui analyse, systématise et rationalise les grands principes en la matière, tout en y intégrant l’abondante jurisprudence qui complète ou interprète les dispositions légales. Il s’agissait de mettre à la disposition des praticiens un ouvrage de référence, permettant de facilement trouver l’information avec les références pour aller, le cas échéant, plus loin.
Et pourquoi l’avoir fait tout seul ?
J’ai décidé de le rédiger seul car il s’agissait pour moi d’éviter les écueils des ouvrages collectifs. Ces ouvrages sont, certes, souvent d’excellente qualité, mais ne peuvent échapper à des ruptures d’approche ou de style des différents auteurs qui y contribuent, ni aux éventuels chevauchements ou lacunes dus au fait qu’un nombre plus ou moins élevé d’auteurs a contribué à leur réalisation. Le fait de le rédiger seul m’a permis de donner à l’ouvrage une cohérence d’ensemble et une réelle vision transversale marquée par de nombreux renvois internes.
Cela étant dit, je dois reconnaître que, dans mon optimisme éternel, j’avais largement sous-estimé l’ampleur de la tâche. Quand j’ai commencé la rédaction de cet ouvrage, je pensais qu’il ne dépasserait pas 700 pages…
Est-il utile de rédiger un Traité des contrats spéciaux alors que cette matière va être revue à l’occasion de l’adoption du futur livre 7 du Code civil ?
Les règles classiques du droit transitoire, auxquelles la proposition de loi portant le livre 7 « les contrats spéciaux » ne déroge pas, impliquent que le nouveau régime ne s’appliquera que pour les contrats conclus après son entrée en vigueur. Pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur du futur livre 7, en ce compris pour les effets futurs de ces contrats, on continuera à appliquer les règles actuellement en vigueur. Par ailleurs, le Traité permettra d’alimenter la réflexion et les débats qui devront précéder l’adoption du futur livre 7.
Enfin, le Traité est un des premiers ouvrages, en français, relatif aux contrat spéciaux, qui intègre de manière systématique les réformes du Code civil déjà adoptées (livres 1, 2, 3, 5, 6 et 8).
Quels étaient les principales difficultés rencontrées à l’occasion de la rédaction de cet ouvrage ?
Le défi majeur était d’avancer suffisamment vite dans la rédaction, de manière à éviter que les parties déjà rédigées ne deviennent obsolètes en raison de modifications législatives ou d’évolutions jurisprudentielles intervenues depuis leur rédaction. Plusieurs parties ont ainsi dû être réécrites pour garder un ouvrage à jour. Le livre 5 a ainsi été adopté lorsque j’étais à mi-chemin, m’obligeant à adapter la partie déjà écrite. Le droit évolue à une telle vitesse et force est de constater qu’aujourd’hui, même le droit civil n’échappe pas à cette tendance.
Quel serait votre contrat préféré si vous deviez en choisir un et pourquoi ?
Le contrat de vente immobilière. D’une part, ce contrat présente des enjeux particuliers : il s’agit, pour la grande majorité des personnes du contrat le plus important, en termes financiers notamment, qu’ils concluent au cours de leur vie, mais c’est aussi un contrat qui est devenu l’occasion de la mise en œuvre de certaines politiques publiques (dépollution du sol, réglementations relatives à l’urbanisme, droit de préemption en faveur des organismes de logements sociaux etc.). C’est ainsi un contrat qui se situe au carrefour du droit privé et du droit public. D’autre part, c’est un contrat qui fait appel aux notions de base qui relèvent du droit commun et donc très utile aussi pour apprendre aux étudiants à se familiariser avec le raisonnement juridique propre au droit des contrats. Et puis, le contrat de dépôt est aussi un contrat que j’aime beaucoup. Certes, il ne présente pas les mêmes enjeux financiers, mais c’est, par excellence, le contrat de la vie quotidienne : les patères dans les restaurants, les vestiaires dans les théâtres ou salles de concert, les affichettes dans les hôpitaux, les discussions autour des parkings souterrains, etc. Il est souvent aussi très proche du vécu direct des étudiants. Et en même temps, sa comparaison avec le contrat de prêt permet de bien saisir les logiques sous-jacentes des rédacteurs du Code civil.