Les droits des auteurs et autrices
Entretien avec Frédéric Young
Comment répondre, de façon précise et complète, intéressante et vivante aux nombreuses questions qui circulent partout, sur les œuvres, sur leurs créateurs et créatrices, sur leurs usages, sur leur valeur économique et sociétale, sur leur protection légale ? Comment expliquer pourquoi ces sujets déchaînent de telles passions dans les parlements mais aussi dans les familles ?
Ce sont ces questions, entre autres, qui ont motivé Frédéric Young, praticien, expert et enseignant en droit d’auteur et politique culturelle, à rédiger l'ouvrage "Les droits des auteurs et autrices".
Tout simplement, une nouvelle méthode simple et claire pour aborder le droit d’auteur et la propriété intellectuelle en quatre chapitres, à parcourir librement selon votre curiosité et vos besoins
Entretien avec l'auteur.
On sait que la législation relative aux droits des auteurs et des autrices vient d’être modifiée. Quels sont selon vous les points les plus importants de cette réforme dans le quotidien des auteurs et des autrices ?
La réforme adoptée, à l’initiative du Vice-Premier Ministre Pierre-Yves Dermagne, en deux temps en mars et en juillet 2022, est importante pour le quotidien de tous les acteurs des filières dont les activités sont basées et régulées par les droits d’auteur et les droits voisins (les droits des artistes-interprètes notamment similaires aux droits des auteurs).
Une nouvelle fois, ce que j’appelle la balance des libertés et des droits a été précisée de différentes manières et sur plusieurs sujets importants.
C’est le cas des auteurs et autrices et des artistes dont les protections ont été améliorées pour ce qui concerne leurs rémunérations (plusieurs sont rendues incessibles) et les obligations contractuelles des cessionnaires/exploitants des œuvres.
C’est le cas aussi des institutions patrimoniales ou des établissements de recherche et d’enseignement dont les activités seront favorisées par de nouvelles limitations aux droits.
Tout comme les dispositions organisant la gestion de certains droits relatifs la radiodiffusion de façon à faciliter l’acquisition des autorisations nécessaires à leurs activités accessoires.
L’ouvrage accorde une place primordiale à l’historique des droits des auteurs et des autrices. Pourquoi cette mise en perspective était-elle importante pour vous ?
Mes recherches m’ont progressivement amené à distinguer le Droit d’auteur (« the law » ou « de wet ») des droits des auteurs et des autrices (« the rights » ou « de rechten ») car la propriété littéraire et artistique est incontestablement le résultat d’une très longue évolution, avec de très nombreux évènements et personnages passionnants que l’on peut positionner sur une ligne du temps qui va du XXIIIème siècle avant JC à aujourd’hui.
L’autre constat frappant, que l’étude historique permet de mettre en lumière, c’est que le moteur de cette évolution est la recherche d’un équilibre entre libertés essentielles à mesure que celles-ci sont reconnues dans les différents pays ou groupes de pays.
Ainsi, l’équilibre entre la liberté de création et la liberté d’accès à la culture/information fait l’objet de débats publics, politiques depuis la naissance des privilèges ou du copyright à la sortie du moyen-âge.
D’autres aspects de cette recherche permanente d’équilibre(s) sont exposés dans l’ouvrage.
Le titre mentionne spécifiquement les autrices, alors qu’on parle généralement des droits d’auteurs, au « sens générique ». Pourquoi insister sur cette universalité ?
Notre Droit d’auteur, différent sur ce point du régime du Copyright, organise la protection des œuvres originales et personnelles de leurs créateurs et créatrices.
Il s’agit toujours d’un droit civil reconnu à des personnes humaines. Dès lors, la reconnaissance des autrices dans le titre et dans la rédaction m’est apparue non seulement logique mais aussi juste et nécessaire. Comment hésiter aujourd’hui à évoquer à leur sujet un droit de maternité, plutôt qu’un droit de paternité, par exemple ?
Dans l’histoire artistique, il est regrettable que les femmes, et leurs œuvres, aient été injustement déconsidérées, marginalisées, alors que leurs contributions sont majeures.
C’est pourquoi j’ai choisi d’ouvrir le chapitre historique sur la figure magnifique d’Enheduanna, poétesse d’Ur.
Par ailleurs, la féminisation des titres et des métiers est désormais encadrée par des dispositions légales et réglementaires qu’il importe d’appliquer sans gêner pour autant la lecture.
L’ouvrage est très illustré, schématisé ce qui lui donne une facilité de lecture. C’était quelque chose d’essentiel à vos yeux ?
Dès la conception initiale du projet, nous avons opté pour une approche innovante, multipliant les angles de lecture du Droit d’auteur mais aussi apportant un livre agréable et vivant, architecturé spécialement par le graphiste et artiste visuel Christian De Becker.
Je vous avoue que les ouvrages juridiques me semblent souvent très rébarbatifs au plan graphique pour un monde désormais dominé par l’Image (en couleurs). Nous passons des heures à regarder nos écrans, et les images qu’ils véhiculent sont souvent sophistiquées.
D’autre part, les auteurs et les autrices sont évidemment très sensibles à la forme donnée à une idée (c’est la question que soulève quotidiennement leurs activités), et même à l’adéquation de cette forme avec le sujet abordé. Il fallait pour moi penser la matrice de l’ouvrage en fonction de cet enjeu spécifique d’adéquation.
Les images (graphiques originaux, images, portraits, reproduction d’œuvres,…) et les mises en évidence de certains éléments textuels (comme avec les ZOOM ou les questions-réponses) permettent de travailler de façon très précise les couches d’information, et d’apporter une dimension artistique cohérente avec le sujet auquel je tenais absolument.
Je tiens à remercier ici l’équipe qui s’est chargée de la mise en page finale, car paradoxalement pour arriver à cette simplicité et attractivité pour le lecteur, la lectrice, nous sommes passés par des choix et des réalisations très complexes.
Vous êtes, dans le cadre de vos fonctions, quotidiennement en relations avec des auteurs. En quoi votre ouvrage leur est-il destiné ?
J’ai été moi-même auteur et journaliste durant plus de 10 ans mais effectivement « Les droits des auteurs et des autrices – Tout simplement » n’aurait pas été ce qu’il est sans l’expérience dont je bénéficie par ma fonction de Délégué général pour la Belgique à la Sacd et à la Scam et par mon travail pédagogique à l’Insas.
Cela dit, l’ouvrage est proposé à un public très large, de professionnel.les des filières de l’Art et de la Culture mais aussi aux enseignant.es ou encore aux responsables politiques qui doivent se prononcer sur le Droit d’auteur. Son prix de vente est ajusté pour qu’il soit accessible à toutes et tous, et notamment aux créateurs et créatrices qui souvent ne roulent pas sur l’or, pour le dire pudiquement.
Les juristes y trouveront, je l’espère, des informations et des réflexions qui les inspireront et leur seront utiles pour conseiller leurs clients ou leurs entreprises. L’ouvrage intègre les modifications plus récentes de 2022, certaines inattendues en début d’année, c’est le premier à proposer le détail de ces modifications légales.